Société matriarcale en R. D. Congo
Une société politique
À titre de rappel, les peuples qui sont installés dans le bassin du fleuve Congo, depuis la ligne de partage des eaux du Nil jusqu’à la ligne de partage des eaux du Zambèze, sont considérés comme des Bantous selon J. Ki-Zerbo (1978). Dans cette région d’Afrique subsaharienne, on trouvait des sociétés bien organisées et maitrisant leur environnement.La plupart des communautés sont dirigées par des chefs issus des lignées de chefferies selon de nombreux travaux et études. L’ensemble politique le mieux connu en raison de son contact précoce en 1482 avec les Portugais est le Royaume Kongo. Les habitants, qui s’appelaient Congolais, selon un auteur de l’époque, démontraient une « haute idée d’eux-mêmes. » Également dès le 15e siècle, leur musique était déjà jugée pleine de beauté et de raffinement. À son apogée, ce royaume situé aux bords du fleuve Congo appelé Nzadi par les Kongolais était un royaume important. Entre le 15e et le 16e siècle, il couvrait les terres qui sont aujourd’hui assimilées à l’Angola, à l’ouest de l’actuelle R.D. Congo, au Congo Brazzaville et au Gabon. Sa capitale s’appelait Mbanza Kongo (nommée par le Portugais San Salvador). Le Roi portait le titre de Manikongo. Le système monarchique va présenter quelques particularités.
Les origines d’une société matriarcale
Dans la plupart des monarchies européennes, il existe des systèmes héréditaires de transmission de pouvoir de père en fils tel que celui imposé par la loi Salique au royaume des Francs. Rien de tout cela au Royaume Kongo où le matriarcat était plus répandu qu’on ne le pense. Cette coutume prévoyait ses règles de successions, voire d’héritage. Tous les proches parents du roi, c’est-à-dire Manikongo, fils ou neveu, pouvaient théoriquement briguer le trône. Mais la préférence allait à la succession matrilinéaire. Avant sa mort, le roi, le Manikongo indiquait son choix.
On observe une forme unique de pouvoir d’oncle à neveu. Mais ce pouvoir n’est pas attribué à n’importe quel neveu. De sorte que la succession se trouve assurée seulement avec le fils aîné de l’une des sœurs du roi.
Girl Power? Ou le pouvoir au féminin
Ainsi le royaume Kongo précolonial a créé sa propre dynastie en s’assurant que le pouvoir reste entre les mains d’une seule et même famille. D’où l’importance de la succession par le neveu, né des sœurs du souverain appelé Manikongo. Il faut se rappeler que toutes les tribus dans le Royaume Kongo reconnaissaient la polygamie. Nul doute que cette polygamie causait aussi des dégâts par exemple sur le plan des droits des femmes, des enfants, etc. Même les souverains et les notables du royaume n’ont pas toujours su résister aux tentations de la chair. Ici, il ne faut pas confondre seconde, troisième épouse, avec les maitresses.
Dans le mariage traditionnel, c’est-à-dire polygamique, la 2e et 3e femme était considérée comme épouse. De simples citoyens pouvaient parler à voix haute des maitresses réelles ou supposées du roi ou de son entourage. Dans un tel contexte, on disait qu’on n’était pas sûr que le fils soit bien celui du père. Tandis qu’on était certain que le neveu était de son sang.
D’où pour le roi l’importance de la succession par son neveu. Le pouvoir se trouve ainsi aux côtés de la Reine Mère et de la sœur du roi, le Manikongo. Il importe de souligner que la nièce n’était pas désignée.
Le bref aperçu sur cette société amène à examiner l’importance de la femme représentée ici par la sœur du roi, le Manikongo ou la Reine Mère. Ce matriarcat met la femme en avant. Cette dernière est génitrice du pouvoir. C’est grâce à elle que la dynastie perdure. Aujourd’hui en R.D. Congo, pays francophone de près de 80 millions d’habitants, riche de sa diversité linguistique et culturelle, un très grand nombre de personnes continuent de perpétuer cette tradition sans même en connaître les origines. Mais cette sorte de Girl Power à l’africaine mérite d’être nommée en raison de ses limites.
Au-delà du respect de la tradition, le rôle féminin mérite un examen approfondi pour faire face aux défis de notre temps, l’égalité réelle des hommes et des femmes reste encore à l’ordre du jour.
Armand M’Batika, Ph.D.