Savoir-faire textile : un patrimoine qui se préserve à Grand-Bassam (Côte-d’Ivoire)
Située à 43 km de la capitale économique de la Côte d’ivoire, la ville de Grand-Bassam est avant tout un haut lieu patrimonial et culturel. Elle a été en effet la première capitale de la Côte d’ivoire, de 1893 à 1900. Malgré le déménagement de la capitale à Bingerville puis à Abidjan, Grand-Bassam est demeuré un centre qui respire le patrimoine culturel (même en danger) et la culture sous diverses formes. Ceci est sûrement dû aux contextes historique, géographique et économique. Le fait d’avoir été la première capitale de la Côte d’Ivoire a favorisé la présence d’un patrimoine bâti qui, même s’il n’a pas été entretenu comme il se doit, n’en demeure pas moins impressionnant, chargé d’histoire et donc attrayant. Au niveau géographique, Grand-Bassam profite bien de sa proximité avec la capitale économique, Abidjan, qui n’est qu’à 30 minutes de voiture. Les artistes et artisans peuvent profiter au maximum de la quiétude d’une petite ville pour travailler et créer. À cela s’ajoute le fait que le territoire ghanéen n’est pas éloigné, ce qui attire également des artistes et artisans de ce pays qui compte beaucoup de talents. Enfin, étant une cité balnéaire, Grand-Bassam attire une énorme clientèle touristique aussi bien interne, en provenance d’Abidjan, qu’externe composée de touristes occidentaux, ce qui est un moteur économique.
C’est dans ce contexte que deux jeunes artisans du textile, parmi d’autres, exercent leur métier et apportent leur modeste contribution à l’œuvre de préservation des savoir-faire traditionnels.
Le tisserand Dembélé Soumana :
Descendant d’une famille de tisserands originaire de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), il s’était d’abord spécialisé dans le «Faso dan fani» (tissu artisanal largement produit au Burkina Faso). Depuis un certain temps, il fabrique plutôt des pagnes «kente». Il lui faut trois semaines pour fabriquer un pagne d’homme et le même temps pour produire deux pagnes de femme. Les pagnes de femme sont de plus petite taille. S’il garde la pratique et le savoir-faire traditionnels et reprend certains motifs déjà existants, il n’en demeure pas moins qu’il crée de nouveaux motifs, ce qui donne une certaine originalité à son travail. Il arrive à vivre de son travail grâce à une clientèle composée aux trois-quarts par des touristes.
Le teinturier Kra Konan Rémi :
Originaire du centre de la Côte d’Ivoire, il a fait son apprentissage avec son oncle. Sur du coton écru, il dessine les motifs à la main. Ceux-ci sont ensuite réservés à la paraffine. Il fait autant de réserves que de couleurs qu’il souhaite obtenir. Certains motifs s’appliquent avec des tampons. Il dessine lui-même les motifs qui doivent figurer sur les tampons avant de solliciter le sculpteur qui fabrique les tampons. Tout comme le tisserand, il apporte une touche de créativité à son travail. Il produit des nappes, des murales, des boubous, etc. La production d’une nappe nécessite au moins deux jours.
Ainsi, si l’inquiétude concernant les menaces qui planent sur la préservation des savoir-faire dans le domaine du textile est légitime, il est permis d’espérer que des jeunes, à l’instar de Dembélé Soumana et de Kra Konan Rémi, prennent la relève et essaient de préserver ce qui peut encore l’être, même si certains constats restent alarmants. Par exemple, Dembélé Soumana achète sont fil à la boutique, donc un fil industriel, ce qui suppose que la chaîne de production artisanale n’est pas complète. Le filage artisanal du coton est-il encore largement pratiqué? De même, Kra Konan Rémi utilise un tissu de coton écru qui vient de l’usine et non du tissage traditionnel.
Ce double constat pointe du doigt la complexité de la question de la préservation des savoir-faire traditionnels qui se heurtent à une logique mercantiliste, des impératifs de rendement économique. L’équation préservation des savoir-faire textiles traditionnels / rendement économique de la filière textile reste posée.
M.A.