Le peuple Dogon: une histoire méconnue
Situé à 800 km au Nord-Est de la capitale du Mali Bamako, à 120 km de Mopti et 45 km de Bandiagara, le pays Dogon s’étend sur une superficie de 48 374 km².
On croit que les Dogon sont originaires du Mandé, un territoire situé du sud-ouest de Bamako à la Guinée. Au 13 e et 14e siècle, le Mandé était au cœur de l’Empire mandingue fondé par Soundiata Keïta.
À cette époque, les Dogon étaient des guerriers et des agriculteurs; ils vivaient harmonieusement avec le peuple mandingue. Au 14e siècle, avec l’adoption de l’islam par le royaume du Mandé, craignant d’être convertis par force ou pris comme esclaves, les Dogon animistes ont commencé leur longue migration vers le centre du Mali, traversant le fleuve Niger avant d’atteindre la falaise de Bandiagara. Avant leur départ, ils ont fouillé la tombe de leur ancêtre pour trouver un grand serpent Lebe qui les a accompagnés dans leur migration en leur montrant le chemin. Les Dogon disent qu’ils ont signé un pacte avec les pêcheurs Bozo qui les avaient aidé à traverser le fleuve en pirogue.
La Falaise de Bandiagara où les Dogon se sont installés était déjà occupée par les Tellem (des pygmées), qu’ils ont intégrés ou chassés. Il existe quatre groupes dogon : les Douyons, les Arou, les Ono et les Domnon. Ils se sont partagé la falaise et le plateau à proximité des terres cultivables et des points d’eau pour résister aux agresseurs qui arrivaient à cheval de la plaine au sud. Ils ont construit leurs villages en hauteur dans les rochers. Peuple profondément animiste avec des croyances quasi-scientifiques, les Dogon ont longtemps résisté aux tentatives d’islamisation des Peuls du Macina. L’islam a enfin pris racine sur la falaise sous l’empire Toucouleur au 19 siècle, et maintenant la majorité des gens pratiquent l’Islam, quoique des pratiques animistes perdurent dans les fêtes rituelles et danses de masques.
Nous connaissons le peuple Dogon grâce aux travaux de l’ethnologue français Marcel Griaule, arrivé au Pays Dogon dans les années 1930. Il a échangé longuement avec Ogotembeli Dolo, un chasseur aveugle initié, qui lui a transmis des secrets de la cosmogonie dogon. Ces éléments constituent la base de son célèbre livre Dieu d’Eau, qui raconte la genèse et les croyances du peuple dogon. Amma, Dieu unique, maitre de l’univers, organise le système solaire puis en dernier, la terre. Le Nommo, né de l’union entre Amma et la terre, est lié à l’eau, source de vie, intermédiaire entre la terre et les cieux. Les Dogon pratiquent la divination en consultant le renard, qui fait des traces sur un carré de sable, interprétées par le prêtre ou hogon.
La fête traditionnelle du Sigui est célébrée chaque 60 ans et tire son origine de l’apparition de la mort. À l’approche de la saison des pluies, on célèbre le Dama pour avoir une bonne récolte. Les Dogon sont célèbres pour leurs danses de masques, qu’ils fabriquent avec du bois sculpté et des fibres végétales. Chaque animal est représenté par un masque et une danse spécifiques. Jusqu’à récemment, les danses de masques funéraires étaient des rituels solennels à caractère spirituel, défendues aux femmes et pratiquées uniquement pour célébrer la mort. Maintenant, les masques sortent lors de festivités populaires, fêtes nationales, rassemblements politiques et d’activités de nature touristique.
Chaque grande famille contient une Guina, la maison du plus âgé. Dans chaque quartier du village, on retrouve le Toguna, une construction en bois sculpté et tiges de mil. C’est la maison ou les hommes se retrouvent pour discuter, gérer des conflits, en bref, le Palais de justice traditionnel local. Chaque secteur du Pays Dogon avait son hogon ou chef spirituel, qui transmettait son pouvoir de père en fils. Malheureusement, la majorité de ces pratiques spirituelles animistes tendent à disparaitre avec les jeunes générations et l’adoption généralisée de l’islam.
Les Dogon étaient 500 000 à la veille de l’indépendance du Mali, le 22 septembre1960. Ils occupaient 674 villages. Le Pays Dogon ainsi que Djenné et Tombouctou ont été inscrits au Patrimoine mondial par l’UNESCO.
L’économie villageoise dogon repose en grande partie sur une agriculture de subsistance qui s’effectue autour de deux pôles de production : les cultures sèches (mil, sorgho) et les cultures maraichères (échalotes, ail, tomate, patate). Les cultures maraichères, pratiquées autour de mini barrages de retenues d’eau et nombreux puisards, occupent une place de choix dans l’équilibre de la production alimentaire. C’est grâce aux ressources générées par ces cultures maraichères notamment l’ognon, qu’environ 60 % de la population rurale arrive à suppléer au déficit de la production céréalière.
Les Dogon sont également des éleveurs. La zone n’a plus d’animaux sauvages mais on retrouve de modestes troupeaux de moutons, de chèvres et de bœufs, ces derniers servant également pour les labeurs.
Les familles dites « nobles » sont des agriculteurs, propriétaires des terres. Des classes d’artisans composées de forgerons (sculpteurs et potières), de cordonniers (travailleurs du cuir) et de teinturières (textile indigo et bogolan) fournissent la plupart des besoins matériaux de base aux membres de la population. Avec l’essor du tourisme au Pays Dogon à partir des années 80, plusieurs jeunes sont devenus guides, aubergistes et restaurateurs afin de supplémenter le revenu familial.
MAMOUDOU NANGO, directeur du Centre Indigo Dogon