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Histoire économiqueClin d’œil à l’histoire de la monnaie en afrique de l’ouest

Clin d’œil à l’histoire de la monnaie en afrique de l’ouest

Si le troc est connu comme étant le moyen d’échange le plus ancien et le plus répandu au monde, il semble qu’il n’a pas été aussi pratiqué qu’on le pense en Afrique de l’Ouest. En fait, plusieurs modes d’échange ont eu cours depuis l’époque précoloniale jusqu’aujourd’hui.

Plus qu’un moyen d’échange, la monnaie est avant tout un bien culturel. «Est monétaire tout objet que les acteurs d’un échange conviennent d’utiliser pour estimer, de donner ou d’accepter de recevoir en paiement. La monnaie est aussi ce que l’éducation apprend à reconnaître comme tel. Elle est le résultat d’un accord de volonté (entre les partenaires) mais aussi le fruit d’un consensus social intra- ou intercommunautaire.» Estime Pierre Edoumba.

Selon le spécialiste des humanités classiques africaines, Jean-Philippe Omotunde, le 1er étalon monétaire de l’histoire humaine a pour nom le «Shâty» et vient de l’Égypte ancienne.

Il est difficile d’établir un ordre chronologique d’apparition et d’utilisation de monnaies en Afrique. Il y a eu usage concomitant de plusieurs types de monnaies selon le contexte, la conjoncture et les coutumes. Les monnaies étaient faites d’objets disparates jouant plusieurs rôles dans la société.  «Les objets étant polysémiques, l’on peut dès lors porter plusieurs regards sur eux et intégrer une seule et même pièce dans différents contextes : religieux, politique, économique ou commercial, social et esthétique», souligne Anne Vanderstraete.

Les coquillages :

Un cauri

Sous diverses formes, les coquillages ont beaucoup servi comme moyen d’échange. Les plus connus sont les cauris (Cypraea moneta), originaires de l’Océan indien. Le grand voyageur Ibn Battutat en a fait usage au 14e siècle à Gao (Mali). Son usage est également attesté au 15e siècle dans le royaume abron de Gyaman (Côte d’Ivoire). Plus tard, au 17e siècle, les Hollandais les ont abondamment utilisés dans leurs échanges sur les côtes ouest-africaines, un moyen d’échange qui s’est maintenu pendant plus de 3 siècles. D’ailleurs aujourd’hui encore, la monnaie utilisée au Ghana s’appelle cedi, ce qui veut dire «cauris». Également, le logo de la Banque malienne de développement est un cauris.

Dans le royaume Mossi (Burkina Faso), 1 zébu = 13 à 15 000 cauris.

Plus qu’un moyen d’échange, la monnaie est avant tout un bien culturel. «Est monétaire tout objet que les acteurs d’un échange conviennent d’utiliser pour estimer, de donner ou d’accepter de recevoir en paiement. La monnaie est aussi ce que l’éducation apprend à reconnaître comme tel. Elle est le résultat d’un accord de volonté (entre les partenaires) mais aussi le fruit d’un consensus social intra- ou intercommunautaire.» Estime Pierre Edoumba.

Les perles :

Des perles de diverses natures et d’une variété de formes ont fait office de monnaie, principalement entre les commerçants arabes et européens et les Africains. Introduites en 1520, les perles ont été utilisées jusqu’au 19et au 20e siècle. Compte tenu de leur grande diversité, certaines variétés étaient plus prisées que d’autres selon les lieux et les contextes.

Les métaux :

Plusieurs métaux, souvent façonnés en divers objets, servaient de moyens de change. Tout d’abord, le fer transformé en bracelets appelés «manilles» que l’on retrouvait en Côte d’Ivoire et au Nigeria et qui servaient comme monnaie aussi bien entre Européens et Africains qu’entre Africains eux-mêmes. Il en est de même pour les «guinzé», des tiges de fer qui mesuraient 30 cm à peu près et qui étaient utilisées comme monnaie en Guinée, en Sierra Léone et au Libéria. À cela, il faut ajouter les monnaies cérémonielles en forme de houe ou de couteau du Nigeria. Hormis le fer, les alliages cuivreux ont occupé une place importante. Employés surtout dans les régions de Bondoukou, Nassian et Kong (Côte d’Ivoire), ils l’étaient également dans le pays akan du Ghana. L’or n’est pas en reste puisqu’il a été utilisé comme monnaie par les populations de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Burkina Faso ainsi que par les marchands de certaines localités de la vallée du Niger. À ce propos, les poids akan à peser l’or, fabriqués en laiton ou en bronze, servaient à peser la poudre d’or.

1 once d’or (sur la côte) = 16 000 cauris et 1 once d’or au Niger = 20 000 cauris.

Les textiles :

Dès le 11e siècle, l’utilisation de textiles comme monnaie est attestée au Soudan occidental par le voyageur Al Bakri. Comme lui, Ibn Battuta soulignait au 14e siècle que les aliments s’échangeaient avec des étoffes. Ces dernières étaient quelquefois teintes à l’indigo. À partir du 15e siècle, les Européens ont commencé à utiliser des cotonnades appelées pagnes de Guinée, tissus écrus et indigo, dans leurs échanges sur les côtes ouest-africaines et cela a duré jusqu’au 19e siècle. D’abord importés d’Afrique du Nord, les tissus provenaient également d’Inde et même d’Europe. La principale unité de mesure était la coudée (longueur de la main et de l’avant-bras).

À Kong (Côte d’Ivoire), 1 pagne normal = 2 000 cauris

Le sel :

Le sel fut une denrée rare à une certaine époque. Or, tout le monde sait qu’il est indispensable au fonctionnement de l’organisme humain. «Il devint dès lors une marchandise privilégiée et, au fil des siècles, un standard de valeur, un élément de richesse et un moyen d’échange», avance Anne Vanderstraete. En Mauritanie et au Mali, la valeur du sel était évaluée en poudre d’or. Toujours selon Anne Vanderstraete, «À la fin du 10e siècle, les entrepôts du souverain de Gao contiennent des quantités de sel; ce dernier y servira de monnaie d’échange quelques décennies plus tard.» Cet usage s’est répandu au Ghana, au Sénégal, au Niger, en Côte d’Ivoire, etc.

Au Mali, 3 pierres de sel = 1 chèvre et 15 pierres de sel = 1 vache.

La monnaie frappée :

Pièce de 50 F. CFA

La monnaie frappée est introduite avec l’ère coloniale. La première fait son apparition en 1825 dans la colonie du Sénégal sous le roi Charles X. La monnaie métropolitaine est utilisée jusqu’en 1945, date de la création du franc CFA (Colonies françaises d’Afrique). Administré par la Banque centrale des états de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), il a été dévalué de 50% par rapport au franc français en 1994 (100 F. CFA = 1 F. français). Aujourd’hui, il est arrimé à l’Euro (655, 96 F. CFA = 1 Euro).

Billet de 1000 F. CFA

Le franc CFA est contesté depuis quelque temps par certains activistes africains qui le voient comme une perpétuation de la colonisation.

M.A.

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